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La désertification - une menace pour le Sahel |
Écrit: Août 1994
La surface de notre planète est couverte de 14,9 billions d’hectares de terre. Une étude de l’UNEP (Programme Environnemental des Nations Unies) montre que 6.1 billions d’hectares en constituent des terres sèches, dont 1 billion d’hectares forment par nature du désert hyper-aride. Le reste de ces terres sèches sont soit devenues du désert, soit sont menacées par la désertification. Un quart de la population mondiale occupe les terres sèches, et en dépendent pour leur existence. Le désert en soi est un environnement assez stable. Le paysage varie du terrain plat aux dunes de sable et montagnes élevées. Une aridité extrême et des vents violents caractérisent le désert du Sahara. Ces derniers ont une portée de 100km/h. Ils emportent le sable sur de très grandes distances, érodent les rochers et empêchent complètement toute visibilité lors des grandes tempêtes. Les vitres de voitures non-protégées se retrouvent alors brouillées et la peinture est rapidement enlevée. Ozenda mentionne que le Sahara se vante de la température à l’ombre la plus élevée du monde qui n’a jamais été rapportée - 58°C à une localité en Libye - et le maximum moyen pour le mois le plus chaud est de 45°C à divers endroits. Plusieurs localisations font l’expérience d’une pluviométrie annuelle en-dessous de 25mm. Des dunes de sable se déplacent au cours des tempêtes violentes, et seraient une grande menace si elles atteignaient les champs des fermiers. Généralement, les déserts soutiennent un couvert végétal très clairsemé, ce qui est certainement vrai pour le Sahara. Les animaux sauvages vivent des maigres ressources et ont des mécanismes spéciales qui leur permettent de conserver l’eau. Les pasteurs utilisent le désert où possible pour le pâturage, et les oasis isolés soutiennent des dattiers ainsi que d’autres cultures nécessitant beaucoup d’eau. Ces petites pochettes d’activité humaine sont pourtant minimes par rapport à la vaste étendue du désert. La conception erronée que le Sahel soit directement exposé au Sahara a été largement acceptée. On représente parfois le Sahara comme une mer de dunes de sable qui arrose le Sahel, exposant les fermiers à des vagues de sable et avalant chaque année de larges portions de terre cultivée. Si ceci était vrai, il serait compréhensible que des projets plantent des barrières vertes afin de défendre le Sahel contre l’invasion. En réalité, la situation est beaucoup plus complexe. A des endroits comme dans des régions de l’Afrique du Nord et de la Mauritanie, le Sahara menace directement les terres de culture. Cependant, au Niger, la zone pastorale au nord de Tanout (la ville 13 km au nord de la station de recherche d’Eden) est très végétée avec beaucoup d’arbres et d’arbustes. Il s’agit au fait d’une barrière verte naturelle protégeant les fermiers du Sahara. Cette zone est riche en espèces, et diverses plantes vivaces qui y poussent donnent de la nourriture en abondance. Plusieurs espèces y deviennent plus grandes que dans la zone agricole, malgré une pluviométrie inférieure. La faune comprend des gazelles et des perdrix du désert. La végétation protège l’environnement, et il y a donc peu d’érosion éolienne ou hydrique. Une publication de l’UNEP confirme que la barrière verte s’étend sur le Sahel. Cette barrière naturelle existe parce qu’elle est plus proche du désert que la zone agricole, et donc trop sèche pour une production soutenable de mil. Cependant, un usage négligeant pourrait facilement détruire cette zone.
La zone agricole au sud de cette barrière naturelle était autrefois également riche en espèces. Les fermiers à Dalli se souviennent du temps lorsque cette zone était très végétée. “Il y a cent ans seulement”, dit Malam Garba, âgé de 77 ans, “les villageois chassaient beaucoup d’animaux sauvages tels que l’antilope, le singe, le loup, le renard, l’écureuil, le lapin et même l’éléphant”. Malam Garba et son frère récoltèrent 700 paniers de mil dans un champ il y a 40 ans, ce qui leur fournit un surplus pour les deux familles. Divers arbres et arbustes entouraient leurs champs à cette époque, y compris des espèces comestibles. Les villageois n’avaient pas besoin d’abattre un arbre pour trouver du bois de chauffage, car il y avait assez de bois mort disponible. Noumau, âgé de 45 ans, vient d’un village au nord-ouest de Tanout. Ses grand-parents chassaient le lion, l’éléphant, la girafe, l’autruche, l’addax, l’antilope et le cerf pour se procurer de viande et de peaux. Durant la vie de ses parents on pratiquait à la fois la chasse et l’agriculture, mais la chasse était toujours plus importante.
De nos jours, le vent érode facilement le sol parce qu’il y a peu de végétation; c’est pourquoi le paysage est brun et désolé au cours de la plus grande partie de l’année. Le sable meuble envahit même le goudron.
Malam Garba dit que les pluies sont plus légères et plus irrégulières qu’avant. Les averses quotidiennes qui tombaient au cours d’une période de 25 jours dans la saison des pluies ont maintenant cessé. Noumau explique que les fermiers de son village cultivent du mil et des cultures contre-saison et ne chassent que très peu, le gibier étant alors le cerf. Aujourd’hui le champ de Malam Garba est trois fois plus grand, mais il ne récolte qu’un septième de ce qu’il récoltait il y a 40 ans.
Cette récolte suffit juste pour sa famille. Les rendements inférieurs ont été causés par la destruction de plantes vivaces, qui protégeaient aussi les plantes annuelles et contribuaient à la fertilité du sol. La décimation de la végétation est un problème répandu qui s’étend au-delà de Dalli. Selon National Geographic, une barrière verte naturelle protégeait par de multiples arbres le village de Khuwei, en Soudan occidental. Ces jours-ci, les rendements de céréales y sont insuffisants, et un villageois témoigne qu’il subit continuellement la faim. Les dunes de sable s’y élèvent même jusqu’à la hauteur du toit. Ces dunes ne sont pas venues du Sahara, 200 km de là, mais se sont formées à l’aide de terre érodée à l’intérieur de la zone agricole. La menace qui pèse sur les fermiers de Dalli et de Khuwei ne provient pas du désert saharien lui-même, mais de la désertification au sein de la zone agricole. La désertification est un processus provoqué
par l’homme qui conduit à l’épuisement du sol et à
la réduction de la productivité biologique. Au Sahel, le
tranchage et le brûlage de la forêt naturelle et de la brousse
en vue de défricher la terre pour la culture annuelle, est la principale
cause de cette destruction. Les fermiers poursuivent la dégradation
de leur environnement même après la décimation des
plantes vivaces. Quelques mois après la récolte, ils coupent
et brûlent les tiges de mil, abandonnant ainsi leur champs aux vents
violents jusqu’à la prochaine saison de semis. Ces vents emportent
le sol superficiel, déracinent semences et plantules, et suffoquent
plantes et plantules là où s’accumule ensuite la terre.
Delehanty montre dans son étude du Niger central, comment la culture annuelle contribue au processus de désertification. Il relie ce processus à des évènements qui arrivèrent lors de la période coloniale. L’administration coloniale voulait rendre le Niger profitable, et voyait en la culture d’arachides destinée à l’exportation un moyen d’atteindre ce but. (Le niveau de taxes était vaguement lié aux prix d’arachides, donc l’augmentation de ces prix résultait en des taxes accrus payés à l’administration coloniale au sud du Niger.) On considérait le Niger central comme un grenier destiné à nourrir les cultivateurs d’arachides dans le sud du pays. Au cours des années 1920, les semences d’arachides furent distribuées aux fermiers, et l’administration autorisa des entreprises privées à installer un réseau de mise en vente d’arachides. Les exportations d’arachides provenant de la région zinderoise augmentèrent de 4 500 tonnes en 1928 à 78 900 tonnes en 1970. Les exportations d’arachides de la région de Tessaoua (près de Zinder) augmentèrent rapidement également jusqu’en 1970, mais diminuèrent ensuite à cause de prix moins élevés et de l’apparition d’une maladie. Entre-temps, la culture de mil remplaça celle d’arachides et accrut de 72 000 hectares en 1970 à 162 000 hectares en 1980. (Selon Gillet, les champs de mil occupaient 80% des terres dans la région de Zinder en 1981.) L’expansion de cultures annuelles a résulté en un déclin rapide de la stable végétation vivace, ainsi qu’en la désertification de grandes surfaces. Un bois pâturé dans la région de Tanout nommé Dana (près de Gangara), qui était riche en espèces, , couvrait plusieurs centaines d’hectares en 1952, et les villageois y chassaient des animaux sauvages. En 1960, il y avait des singes, mais dès le milieu des années 1980, il ne restait de ce bois pâturé plus que des reliques. Gillet dit qu’en 1964, l’espèce arbreuse Terminalia avicennioides était abondante autour de Maradi (au sud de Dana), mais qu’elle avait disparu du Niger en 1981. Delehanty cite un rapport écrit par l’administration coloniale du Département de Zinder en 1951, exprimant l’inquiétude face à l’expansion des plantes annuelles au dépens de la brousse et de la forêt, résultant en des terres appauvries et en l’étendue des dunes de sable. Le rapport ajoutait qu’il serait peut-être nécessaire d’abandonner la production d’arachides. Il est clair que cet avertissement fut négligé. Il est également alarmant de constater à quel point des projets trop optimistes ont par voie mécanique défriché de toute végétation de grandes surfaces dans la barrière verte, afin de permettre des culture annuelles. Récemment, des villageois locaux cultivaient du mil dans un tel endroit, puis l’abandonna en le laissant complètement à nu, parce que ces terres se situaient trop au nord pour qu’une production soutenable de mil fusse possible. S’ils poursuivent avec cette pratique, il y aura des trous dans la barrière verte. Le désert avancera très rapidement dans la zone agricole par ces trous, ce qui conduira à son empiétement, c’est-à-dire à l’invasion du désert sur les terres agricoles.
Quelques projets plantent des barrières vertes afin de protéger les terres agricoles de cette menace. Cependant, on ne plante d’habitude qu’une seule ou quelques espèces, et ces-ci peuvent étouffer la flore indigène. En Niger oriental et dans le nord-est du Nigeria,
la terre utilisée pour la culture de mil est devenue des dunes
de sable infécondes. De grands troupeaux de bétail paissent
la végétation vivace là où elle existe toujours.
Ni le bétail, ni le ramassage de bois de feu ne sont responsables
des surfaces dénudées loin des grands centres de population.
(Cependant, lors de sécheresse ou de famine, les pasteurs abattent
les arbres afin de nourrir leurs animaux, ce qui affecte les régions
boisées.) C’est à la fois plus difficile et plus coûteux
de réparer les dommages déjà infligées aux
terres de culture et à la barrière verte, que de les maintenir
dans un bon état. L’homme peut soit détruire son environnement, soit être constructif en résoudant les problèmes qui y apparaissent. En accroissant la population de plantes vivaces, les fermiers deviennent des agents pour la stabilisation de leurs terres. Ils vivent ensuite en harmonie avec leur environnement dans une relation symbiotique, où la terre bénéficie de la présence humaine à travers le nombre accru de plantes vivaces, et où l’homme bénéficie de son propre contrôle actif de la désertification. La solution d’Eden à la désertification consiste en ce que les fermiers stabilisent eux-mêmes leur environnement, en cultivant des plantes comestibles et vivaces en association dans leur champs. Les plantes vivaces agissent comme un ancre qui stabilise le sol contre l’érosion éolienne et hydrique, et améliore sa fertilité. Ceci protège la barrière verte naturelle, car si les fermiers cultivent les plantes vivaces, ils les respecteront, et il sera moins probable que celles-ci soient abattues. Là où les fermiers cultivent des plantes annuelles en association avec les plantes vivaces, leurs terres produiront plus de nourriture, dû à la fois à la présence des plantes vivaces et au rendements supérieurs des annuelles, ce qui amoindrira le besoin de cultiver dans la barrière verte. La solution d’Eden laisse les fermiers révégéter par leur propre initiative. Ils conservent donc leur dignité personnelle, comme ce ne sont plus les Occidentaux qui révégètent leurs terres pour eux, mais en même temps Eden soutient leur effort par son travail de recherche sur les espèces qu’ils utiliseront. Littérature consultée pour cet article:
Annexe AVoici quelques photos de plantes dans la « barrière verte » naturelle au nord de Tanout. Elles sont prises en novembre 1993. Aucune de ces plantes ne se trouvait sur une place portant des bénéfices particuliers envers la quantité d'eau obtenue, telle que les bords de rives saisonniers.
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